Règles essentielles.
LES RÈGLES ESSENTIELLES DE LA PROSODIE CLASSIQUE A L'USAGE DES POÈTES
Il existe, en français, des vers de douze syllabes comme des vers composés d'une syllabe, et de tous les nombres de pieds intermédiaires. Les poètes symbolistes ont usé des vers de treize syllabes; mais ils sont d'un rythme peu net, hésitant et qui ne satisfait pas l'oreille. Les vers de douze syllabes, ou alexandrins - parce que le "Roman d'Alexandre", au XIIe siècle, l'a popularisé - est par excellence le vers de l'épopée et de la tragédie, du poème didactique, du sonnet:
J'irai, j'irai porter ma couronne effeuillée
Au jardin de mon père où revit toute fleur ;
J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée :
Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.
(Marceline Valmore. Poésies inédites. 1860)
Lorsque avec ses enfants, vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne, en une grande plaine.
(Hugo. La légende des siècles)
Il n'est point de serpent ni de monstre odieux,
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux.
(Boileau. Arts poétiques)
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, et vous émerveillant;
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle."
(Ronsard. Sonnets pour Hélène).
Le DECASYLLABE (10 pieds), et l'OCTOSYLLABE (8 pieds)
sont, depuis le XVIIe siècle, plutôt réservés à la poésie légère et familière:
Quand nous habitions tous ensemble
Sur nos collines d'autrefois,
Où l'eau court, où le buisson tremble,
Dans la maison qui touche au bois,
Elle avait dix ans, et moi trente.
(Hugo. Contemplations)
Jamais, jamais, ne puissiez-vous, mon cœur,
De cet ingrat éprouver la feintise,
Plutôt la flamme en mon courage éprise
Brûle mes os d'éternelle rigueur ;
(Madeleine de l'Aubespine. 1546 – 1596)
Les vers de 6 SYLLABES et de 8
se rencontrent fréquemment, alternant avec des alexandrins :
Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent
Passent sous le ciel bleu;
Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent,
Je le sais, Ô mon Dieu.
(Victor Hugo)
Les vers de 6 SYLLABES :
Employés seuls, sont moins fréquents, parce que, sans doute, ils paraissent deux moitiés d'alexandrins :
Du fond de ma pensée,
Au fond de tous ennuis,
A toi s'est adressée
Ma clameur, jours et nuits.
(Marot)
LES RYTHMES IMPAIRS
LES VERS DE 11 et 9 PIEDS SONT ASSEZ RARES.
Et c'est la nuit, la nuit bleue, aux mille étoiles,
Une campagne évangélique s'étend
Sévère et douce, et, vagues comme des voiles,
Les branches d'arbre ont l'air d'aller s'agitant.
(Verlaine)
De la musique encore et toujours!
Que ton vers soit la chose envolée,
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.
(Verlaine)
LES VERS DE 7 SYLLABES SONT FREQUENTS
Grâce au Filles de mémoire,
J'ai chanté des animaux;
Peut-être d'autres héros
M'auraient acquis moins de gloire.
(La Fontaine)
LES VERS DE 5 SYLLABES SONT ASSEZ RARES. Il s'agit plutôt de vers de chanson.
L'automne et le vent
Qui berce les feuilles
Aujourd'hui t'accueillent
Toi, qui vas, rêvant.
(F. Carco)
Au- dessous de cinq pieds ce sont des vers de virtuosité. Dans les Djinns de Victor Hugo, des vers de 2, 3 et 4 syllabes commencent et terminent le poème.
Murs, ville,
Et port,
Asile,
De mort,
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Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
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La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
(Victor Hugo. Les Djinns)
Mais ces vers courts se rencontrent souvent après un vers plus long pour produire un effet pittoresque ou de surprise.
L'homme au trésor arrive, et trouve son argent
Absent.
(La Fontaine)